jeudi 10 novembre 2005

Patates douces


Le mois de novembre est doux bleu et ensoleillé, et c'est sans un nuage que nous allons à l'école chaque matin depuis quasiment une semaine, Judith Garance et moi.

Matsumumura Youchien, elle s'apelle comme ça, est un repère de mamans qui viennent bavarder longuement dans la cour pendant que les enfants jouent avec les sensei. Les sensei jouent vraiment, ils ne sont pas regoupés en comité sous le préau à se commenter le film de la veille, d'ailleur il n'y a pas de préau. Ils lancent le ballon, font sauter les petites filles à la corde, chahutent avec les garçons, tout cela avec une bonhomie qui fait plaisir à voir. Ils ont tous leurs habits de travail, qui est le même au japon pour tout le monde : le tablier. Dans les restaurants, les épiceries, les cafés et chez les fleuristes, chacun porte un tablier qui ressemble comme un frère à nos tabliers de cuisine et qui semble là, non pour se protéger de salissures éventuelles, d'ailleur il est toujours propre, mais plutôt pour dire "là je bosse". Et à Matsumura, c'est un festival de tissus pocchaco, miss kitty et poussin mignon, surement censé signifier "là je bosse avec des enfants".


(Garance Judith et Colin pendant la fête du sport, Undokaï)

La cour est orientée plein sud et on a presque chaud tant le soleil donne. Ca me rassure un peu, car les enfants jouent pieds nus sur la terre battue ; ce n'est pas obligatoire, mais étant donné qu'ils sont pieds nus dans l'école, ils se rechaussent rarement pour sortir. Mihori Sensei m'a expliqué pendant l'un de nos entretients qu'il y avait sous l'école un puit où l'eau fraiche en été et chaude en hiver, assurait une température agréable et permettait donc d'être pieds nus quelle que soit la saison sans avoir froid. Magique. J'ai un peu tiqué, cela m'a rapelé la théorie de la directrice d'une autre école visitée avant de choisir Matsumura, théorie qui affirmait que l'école n'avait jamais été touchée par aucun tremblement de terre grâce aux racines de l'arbre bienveillant de la cour qui tenaient le sol. Mouais.
On va dire que c'est de la poésie japonaise ; je crois surtout que les enfants habitués depuis toujours à être nus pieds (je vois beaucoup de bébés pieds nus), sont immunisés contre les rhumes...
(la cour de l'école)

Toujours est-il que je dois trouver à Garance une paire de ces fameux collants sans pieds qui commencent à trouver grâce à mes yeux, étant donné que sa tenue favorite est la jupe ou la robe et que Tegawa San (la comptable, qui, étiquettée par ses collègues comme anglophone -alors qu'elle est visiblement en train d'apprendre- se charge de me transmettre les messages importants), m'a demandé hier de mettre Garance pieds nus afin qu'elle ne glisse pas sur le parquet des couloirs.


Dans ce marasme de fournitures indispensables, je demande de l'aide à Miyuki, Tomoko ou Norito, trois charmantes mamans qui parlent anglais pour la première, et français pour les deux autres. Miyuki me tient informée des principaux évènements et me fait des petites fiches.
C'est ainsi grâce-à cause de ces petites fiches que j'ai atterri hier à la réunion hebdomadaire des mamans qui se tient chaque deuxième mercredi dans la pièce principale. Miyuki ne m'a pas traduit en simultanée cette réunion de deux heures(!!), c'était trop compliqué.
La directrice était là, trônant sur son fauteuil roulant au coeur d'un cercle de mamans agenouillées par terre, micro en main. Puis on a distribué des livres, comme des petits bréviaires... Oh, oh, je me suis dit. Puis Petit Sensei, que j'appelle ainsi car je ne connais pas son nom et qui est un petit homme au visage enfantin, est arrivé, avec son tablier Totoro, s'est installé au piano, et à commencé à jouer. Miyuki m'a tendu un bréviaire en me disant "maintenant on chante".
Et bien non je n'ai pas chanté, même si au bout de quatre reprises le refrain commençait à m'être familier. J'ai juste commencé à me demander pourquoi j'étais venue.
Et puis la directrice a pris la parole. Et ça a duré longtemps. Puis les mamans ont tour à tour pris le micro. Ca avait l'air cocasse, chaque maman y allant de sa blagounette, les autres riant à gorge déployées. Que se racontaient-elles, des anecdotes d'enfants, des jeux de mots, des blagues sur les gaidjins?
Miyuki m'a expliqué que la directrice avait fait un speech sur l'éducation des enfants, un genre de morale quoi. Puis s'est excusée de m'avoir proposé de venir en me disant que je pouvais ne pas assister aux prochaines séances. Bonne nouvelle. De toutes façon je l'avais déjà décidé.


Chaque matin Garance monte dans sa classe déposer son uniforme et enfiler son tablier, puis redescend dans la cour avec les autres enfants. Pas d'attroupement "oh une européenne", ni de rejet non plus. Parfois une petite fille s'approche et tente de l'entraîner, parois Petit Sensei lui donne une pelle et lui montre comment creuser un beau trou dans le bac à sable, parfois elle fait de la balançoire avec un groupe hilare. Dans la matinée les enfants chantent, font de la pate à modeler ou du dessin ; celui de Garance est très différent des autres, plus "accompli" ; Miyuki l'a remarqué, et Mihori Sensei aussi, m'a dit "nice color!". Garance est heureuse de dessiner et me dit qu'elle aime les histoires de la maitresse, me dit qu'elle a compris une phrase, et me dit qu'elle a plein d'amis. J'ai peur qu'elle veuille me rassurer, alors je cesse de lui dire qu'il faudra du temsp, je demande juste "tu t'ennuies?", et elle "oui, un peu", "tu veux y retourner demain?":"ouii!".

Chaque matin Garance cherche Sumiko Sensei, qui la guide et l'accompagne depuis le début. Aujourd'hui elle était occupée ailleurs et Garance était un peu perdue, "maman tu t'en vas? ", petit menton et grands yeux humides, alors je suis restée. Quand elle a été prête, je suis partie, et j'ai aperçu en fermant la porte Garance courir et sauter dans les bras de sa sensei, ravie.

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